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Randonnée au mont Bartle Frere


Mon pantalon est humide, mes chaussures sont humides, mon t-shirt est froid. Je passe 3 minutes à chercher mes chaussettes de rechange. Je les aurais perdues en sortant ma lampe frontale hier? Ce serait doublement agaçant, d’avoir à remettre mes chaussettes humides et d’avoir laissé des tissus synthétiques dans la nature, moi qui me vante de mon comportement ‘Leave no trace’. Mais elles sont bien là – cela m’évite de repartir les chercher.

Tente pliée et cachée derrière un rocher avec le matériel de nuit et la glacière, je m’élance à 7h33. Plouf! Nouveau bain de chaussures de bon matin en traversant le torrent tumultueux. Et moi qui avais tout fait pour les sécher!
Mais mon moral est à toute épreuve maintenant que le soleil s’est levé et que je digère les deux muffins à la groseille de mon petit déjeuner. Il va m’en falloir du moral : j’ai 1172m à gravir pour atteindre le sommet du mont Bartle Frere, à 1622m. Puis j’aurai à descendre 1502m.
Les Australiens sont des sportifs : là ou ailleurs les gardes nationaux auraient aménagé des lacets, ici le chemin monte tout droit et il faut régulièrement utiliser les racines des arbres, nombreuses, comme des échelles. Et cela m’aide car je peut ajuster mon effort dans une montée régulière et continue, sans rupture de pente, à près de 450m/h de dénivelé positif.

En m’approchant de Eastern summit camp j’entends du bruit. Dans l’abri de montagne en tôles ondulées je tombe sur Chloé, une jeune australienne, avec une doudoune passée par dessus son coupe vent. Elle me dit être gelée et avoir peur de redescendre. Elle semble en effet terrorisée mais en bonne santé physique. Elle a appelé les secours qui ne vont pas arriver avant des heures. Je lui propose de commencer à descendre ensemble.
Je suis à moins de 200m de dénivelé du sommet du mont Bartle Frere, je lui demande de rester au chaud 1h30 et me dépêche de faire la fin de ma randonnée dans les cailloux, énormes et abrasifs, qui constituent les restes de ce dôme de lave. Malgré quelques éléments de via ferrata, le passage est délicat et me laissera une petite éraflure sur le coude qui va mettre deux bons mois à disparaitre.

La vue est bouchée au sommet : comme au mont Kosciuszko, les courants ascendants soufflent de la brume sur la cime. Mais aucune importance : je suis ravi de cette randonnée.

Je récupère Chloé, m’assure qu’elle a bu et mangé. Ses baskets souples ne sont pas adaptées au terrain, mais si elle est arrivé a monter elle devrait pouvoir descendre.

Nous avons la chance de passer sous les nuages à la redescente. La vue est belle, jusqu’à l’océan, et cela booste le moral. Chloé s’en sort plutôt bien en fait. Elle est assez sportive pour ce genre de randonnée. Il y a juste qu’en montagne le mental c’est la moitié de la réussite. Or elle s’est lancée sans vraiment savoir ce que cela impliquait, sans carte / gps ni altimètre, et manque de chance elle n’a vraiment pas choisi la randonnée la plus facile.

Je suis content de redescendre avec elle. Cela me fait de la compagnie. Nous partageons l’objectif de faire un marathon un jour. Elle cherche à être animatrice radio sur une radio locale mais les places sont peu nombreuses.

La descente n’est pas évidente. J’ai plus d’endurance qu’elle sur ce type de terrain et que je ne vois pas la distance passer en admirant les alentours.

Nous faisons une pause après 300m de dénivelé pour une pause grignotage mais ce ne sera pas suffisant car ses jambes commencent à fatiguer au bout d’une heure. Elle doit commencer à être en hypoglycémie. Les secours sont en train de monter à notre rencontre, je continue à la faire descendre plus tranquillement.

Nous arrivons presque à mon camping de ce matin lorsque nous rencontrons Dave et Steeve, deux bénévoles de la State Emergency Service montés à notre rencontre avec eau, nourriture, pharmacie, patchs chauffants…

Nous prenons une demi heure pour laisser Chloé récupérer. Nos compagnons sont des boute en train et c’est un plaisir de discuter avec eux. L’un d’eux est un ancien pilote de Flying Doctor à la retraite. L’autre a encore les courbatures de son marathon de la veille. Ils habitent Cairns et sont appelés en moyenne une fois par semaine pour des interventions de ce type qu’ils semblent apprécier beaucoup. Des gens vraiment admirables.

A un kilomètre de l’arrivée nous repassons devant le mausolée de Brett Darren Thomas, décédé à 22 ans, selon la rumeur par hyperhydratation. L’endroit est beau, mais disparaître à cet age et dans ces conditions est bien triste.

De retour à la ‘civilisation’, il me faut encore retrouver de la nourriture et un camping. Vu l’heure avancée, ce dernier ne sera qu’une aire de bord de route. C’est bien moins glamour que la veille. Mais après une telle journée, ce serait un monde si je ne dors pas comme une souche.


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