Entre les averses et les road trains qui passent à 100m, je vais me réveiller plusieurs fois. Ce n’est pas ma meilleure nuit.
Au matin je doisn plier une tente mouillée. Je n’aime pas cela, mais elle séchera dès la nuit prochaine.
Mon lait est à la banane. Le lait nature n’était disponible qu’en contenant d’1l minimum, trop gros pour moi, et les plus petits sont presque toujours au café, rarement vanille, fraise ou banane. Je le bois avec des petits gâteaux type petit beurres, mais je le fais dans l’urgence et la crainte que la pluie ne revienne.
7h30, Jolly Jumper s’ebroue. La route est humide mais des déchirures de ciel bleu tranchent les nuages.
Il y a de moins en moins de véhicules, peut-être un tous les 5 km. Sur ces longues droites il s’écoule parfois près d’une minute avant de croiser ce qui se mue d’un point en un camion monstre dont les australiens ont le secret.
Sur mon GPS, mes 110km/h sont imperceptibles. Mon petit point semble figé dans cette carte trop grande pour lui.
L’essence devient ma seule préoccupation. Je passe pourtant le dépôt de Nundroo sans stopper : il y en a normalement a Yalata, à 44km. Alors pourquoi un panneau me dit qu’il n’y a rien avant 148 km? Je ne peux en faire que 130! Je tente quand même d’aller à Yalata et ferai demi tour si elle est fermée. Elle est bien là, c’est la communauté qui est interdite pour éviter la propagation du covid. Ces populations sont très peu vaccinées. Tout ce dont j’ai besoin, c’est d’essence. La station, totalement automatique, ne délivre que du diesel, de l’ad blue et du 91. Va pour ce dernier. J’ai parfois peur de me tromper : l’essence est des endroits appelée ULP (unleaded premium), parfois juste premium comme notre ‘super’ de l’époque. Il m’est arrivé se demander pour ne pas faire de bêtises, mais ici c’est clair.
Quelques averses brisent la monotonie du parcours. Mais elles sont brèves et je sèche vite car je suis dans un sorte de séchoir sur programme 20⁰, 110km/h
La nullarbor roadhouse est la dernière avant 184km. Le plein s’impose et je craque pour un polo à 70 dollars (40 eur).
Photo souvenir avec la figure de baleine, c’est la seule que je puisse voir ici car les vraies ne migrent ici qu’entre Mai et Septembre.
Le paysage devient tellement répétitif et inintéressant que je commence à compter les arrêts, tous les 200km environ, pour faire le plein. Perdu en plein parc national, une curiosité : la route à été élargie pour servir de piste d’atterrissage d’urgence. Les petits avions peuvent atterrir sur ce qui reste avant tout une autoroute… La même disposition est prévue à EUCLA. Mais au moins il y a un motel proche. D’autres pistes d’atterrissage, en terre, ne sont visibles que d’avion. Les médecins, pompiers, policiers, plombiers ou électriciens sont à plusieurs heures de route. L’avion est parfois la seule option. A condition d’avoir du réseau pour appeler les secours : entre les ‘roadhouse’, équivalents de refuges de montagnes dans ces landes interminables, seul le téléphone satellite reçoit un signal.
On ne peut compter que sur soi et son prochain. Aussi de nombreux conducteurs lèvent la main, ou au moins deux doigts, de leur volant pour un salut mêlé de compassion dans l’épreuve.
Je croise un vélo. La tête dans la main et le coude sur le guidon il semble se demander pourquoi il a entrepris une telle folie. Il lui faudra probablement la semaine pour rejoindre Ceduna. Chapeau bas!
La traversée de l’Australie est une petite expédition encorr de nos jours. La première, réalisée par Burke et Wills en partant de Melbourne au Sud pour aller sur la côte au Nord en partant de Melbourne avait déjà été tragique. Sept des 18 membres n’en reviendront pas, dont Burke et Wills.
Madura puis Caiguna, j’arrive au plat de résistance : la plus longue route droite du monde! 146 kilomètres de plat rectiligne. Que je l’aime, mon régulateur de vitesse !
Je m’arrête pour prendre quelques vue avec le drone et perds beaucoup de temps. Je vais être obligé de passer la nuit sur ce tronçon droit. Et même de rapidement trouver un emplacement : je commence à avoir l’habitude d’évaluer le temps avant que le soleil ne se couche et il me reste moins d1/4 d’heure. Partons pour Baxster campground. Je me trouve un camion quand la lumière du soleil baisse et le suit. Il est à 107km/h. Parfait. Et il me guide et écarte les kangourou. Très bien. Je peux continuer comme cela même de nuit. Pourquoi ne pas aller plus loin?
La raison l’emporte et je m’arrête à Baxter histoire d’avoir les dernières lueurs de jour pour monter la tente.
Je suis bien sur une aire d’autoroute, mais dans sa version route du bout du monde. J’ai choisi l’aire la mieux équipée a 60km à la ronde. Il y a une toilette sèche, 6 poubelles, deux voies d’arrêt en macadam et un accès a la terre orangée du bush pour passer la nuit. C’est tout. Ai-je besoin de plus?